Deux rêves en un seul

Absence de suite dans les idées, affolement par les notifications, les pensées ou Nuages, Degasles désirs traqués : cette nuit, j’ai eu la nette impression de vivre deux rêves à la fois, et de passer de l’un à l’autre comme je peux éveillé passer d’un programme à un autre, d’une tache continue à la réponse à un mail, d’une série à une autre, à l’image de ces cinq livres commencés à la fois, dispersés dans l’appartement, que je reprends en les mêlant en une expérience hypertextuelle hasardeuse et lente.

De fait, de cette dispersion, quelques fois, je me dis faire l’expérience quotidienne de la dépersonnalisation. Quelque chose – comme un système – chercherait à me maintenir à l’état de particulier, ou de particule – bien avant d’être un individu. Les algorithmes, dans l’impolitesse de leurs traques, dans la brutalité de leurs récoltes de données, prévisagent une forme de gouvernement physicien de la foule, une sorte de mécanique des fluides mise à jour, où je suis de moins en moins uni, de moins en moins sujet, dispersé en de multiples objets d’attention vite entretenue, avant d’être divertie à nouveau.

Quelques fois aussi, je songe au kakon koma, la punition de Zeus pour les Dieux immortels en Grèce Antique : plongés éternellement comme Cronos détrôné dans le sommeil et les rêves indéfinis. Peut-être est-ce la punition promise au peuple aujourd’hui ? Cet enchaînement des écrans, cet enchaînement aux écrans, et aux identifications passagères. – Mais bien sûr, c’est plutôt par les oreilles qu’on nous tient. Et la plupart du temps je n’y pense pas.