Climats

Réseau pneumatique de Paris (1967)

On se saisit d’une époque par son climat, par les histoires qu’elle se raconte, par les événements qu’elle choisit de ne pas oublier comme à ceux qu’elle oublie. C’est sa machinerie mémorielle qu’il s’agit d’interroger, permettant de comprendre comment une époque se poursuit dans une autre avant de s’effacer (jamais entièrement peut-être). Ce climat d’une époque, ces voix portées, cet entre-les-êtres-qui-passent, on a utilisé le terme de média pour l’envelopper : l’oralité, la musique, l’écriture, l’imprimerie, le mass-média, la radio, le cinéma, la télévision, les médias sociaux et les nouveaux médias du particulier ont selon leur façon modifié ce climat d’entre-les-êtres-qui-passent, trouvé et multiplié les points d’accès aux savoirs et à la mémoire collective, transformé à chaque étape de leur adoption les rapports de l’individuel au collectif, métamorphosé les absences pour les présents, l’imaginaire des choses – et la poursuite des morts par les vivants. Les sociologues, les anthropologues, les psychanalystes – pourquoi pas – décèlent dans ces climats des structures, des cristallisations, des lignes de fuite et des arêtes plus lentes. La recherche du “même” de la structure, de la culture arrachée au temps qui passe, bricole en son revers la différence de ce qui a été irrémédiablement perdu. Parce que chaque époque bricole avec ce qu’elle connaît, organise ses retrouvailles avec ce qui a été, reproduit sans cesse pour éviter de sombrer, et de sombrer elle-même dans l’imaginaire des choses : après tout, ce n’est que ça, vivre.