Disparaître, c’est arrêter de donner des nouvelles. Je n’avais pas encore compris se dit Léo. Je n’avais pas encore compris à quel point la narration nous unit les uns aux autres. La narration. Je pensais que ça parlait du lointain, que ça nous instruisait de choses qu’on n’a pas vécues, ou qu’on ne vit pas, ou pas encore. Mais c’est la narration de soi tout d’abord : quoi de neuf ? C’est comme un système de coordonnées, un point de situation, que l’on révèle au plus près du présent, chaque jour parfois, d’abord à ceux qui nous élèvent, et puis après à ceux qui nous aiment, ou que l’on aime.
Je suis ici, j’ai fait ceci, j’ai ressenti ceci. C’est l’ABC de notre être social, et ce basculement du vécu dans le langage nous adjoint à croire que le tremblement unique d’une existence porte un enseignement pour tous. Peut-être qu’il n’en est rien. Les morts, les amours disparues, les amis qui avec le temps nous délaissent se retirent de l’actualité. Ce n’est pas qu’ils ont arrêté de parler : les morts en nous continuent de parler beaucoup. Ils ont arrêté de donner des nouvelles, tout simplement.