Le Podcast des Voyages ordinaires 2, saison 2 – Laurindo Feliciano

Il était assis là, près de la fenêtre, impassible, à lire le journal ou regarder le paysage, la marée de lumière incertaine du jour, de 7 h 30 à midi, puis de 13 à 17 heures.

Il se servait un peu de thé quand il avait soif. Son bureau, qui était souvent éclairé par un plafonnier électrique, restait pareil, identique, et de façon têtue, chaque jour. Il répétait son silence, sa plante verte à gauche, le perroquet où accrocher son manteau en arrivant à droite, et sur la table la bouilloire, le porte-stylos rond à côté du sous-main en cuir, la gomme rose avec le bleu-vert inusé de son bout encre posée parallèlement à la boîte d’attaches métalliques.

C’était son vocabulaire à lui, à son bureau, il le comprenait bien. Mais cela donnait presque envie d’entendre les objets parler, ou qu’un grand trou s’ouvre dans le mur sur une autre dimension de l’espace et du temps, remplie de montagnes et de rivières souterraines au cœur de l’usine.

Assez vite cependant il avait su saisir derrière la vitre les nuances du paysage selon l’heure, qu’il pouvait presque deviner sans avoir à lorgner sa montre, nuages ou non. Bientôt, il reconnut que la rue, avec ses éclairages, les oiseaux de mer au loin, changeait avec les saisons, ce dont les autres employés semblaient ne pas s’apercevoir. 

Il ouvrit le journal, puis releva la tête et contempla la rue vide, qui tombait, droite comme un ruban noir, dardant de ses traits de trottoirs la moitié basse de la vitre. Les nouvelles d’aujourd’hui n’étaient ni très bonnes ni très mauvaises. Un instant, de derrière un nuage, le soleil réapparut. 

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